Les archives électroniques, à quoi ça peut bien servir ?

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Je suis incapable de résister à un défi. Déjà, dans la cour de récré, un «T’es pas cap’» bien placé m’envoyait grimper aux arbres (ah non, ça je le faisais spontanément, pas besoin de défi), escalader les grilles ou affronter le caïd de l’école. Ou lire 3 livres par semaine pendant un an, j’ai toujours aimé les défis intellectuels, aussi.
Alors depuis que Lourdes et Marie ont lancé leur défi aux archivoblogueurs, je frémis, je tremble, je cogite, je ne tiens pas en place. Bref, une fois encore, je ne résiste pas au défi.

« Pourquoi ne pas tous écrire quelques lignes sur ce que recouvre le terme d’archivage électronique ? »

Bien. Euh… Alors, l’aveu liminaire, c’est que je ne connais absolument rien aux archives électroniques. Je n’ai jamais travaillé dans ce domaine, je n’ai suivi aucune autre formation sur ce sujet que 3 jours à l’Institut du Patrimoine pendant ma formation initiale, il y a donc presque une éternité (rendez-vous compte, MoReq1 venait à peine d’être publié), et les échanges que j’ai pu avoir avec des professionnels de l’archivage électronique se sont plus souvent déroulés devant une bière que devant un ordinateur.Bières

Du rhum, des archives et d’la bière, nom de Dieu. FlickR, Marc Lagneau, 2010, CC-BY-ND.

Mais si on ne parlait que de ce qu’on connaît, on ne dirait pas grand-chose.

Et puis, à défaut d’avoir la moindre idée de ce que sont les archives électroniques (que, finalement, je préfère continuer à considérer comme quelque chose d’un peu magique, et dont les professionnels sont pour moi des shamanes auréolés d’un mystère fascinant), on peut toujours se demander à quoi ça peut bien servir précisément lorsque l’on n’est pas un spécialiste.

A faire causer les archivistes…

Le défi de Lourdes et Marie est une initiative idéale pour animer l’archivoblogosphère francophone. Même si nous commençons à être relativement nombreux, un petit coup de pied bien placé pour faire bouger tout ça n’est pas de trop ! Et il va, je l’espère, permettre de développer les échanges et le dialogue entre blogueurs et plus largement au sein de la communauté archivistique consultant ces blogs. Un thème moins porteur que les archives électroniques inciterait peut-être à moins d’interventions.

Pour relayer cet élan, nous attendons donc maintenant avec impatience les points de vue d’archivistes beaucoup plus compétents que moi sur ce sujet. Allez, au boulot, camarades !

A redorer le blason des archives et des archivistes (et il y a du boulot !)

– Tu fais quoi, dans la vie ?
– Je suis archiviste.
– Ah… Et tu n’en as pas marre des vieux papiers ?
– [longue pause de l’archiviste qui hésite entre tuer son interlocuteur à coups de Dimab ou se jeter dans la Seine] Oui mais non, mais attends, il y a aussi les archives électroniques…
– Mais oui, c’est super intéressant, d’ailleurs j’ai lu un article passionnant sur l’archivage du Web dans Télérama.

OK, l’Autre n’a rien de rien compris, mais cette étincelle d’admiration béate que l’on aura pu lire dans Ses yeux vaut tous les sacrifices, y compris celui de son honnêteté intellectuelle.

De façon plus générale, y compris et surtout dans le cadre professionnel, la simple mention des archives électroniques suffit à rappeler que les archivistes ne sont pas seulement des videurs de caves et de greniers ni des rats de bibliothèques penchés sur leurs grimoires. Il est souvent plus facile de convaincre une collectivité ou une entreprise de financer la mise en place d’un projet d’archivage électronique que l’aménagement d’un nouveau magasin de conservation d’archives papier. Et une fois que l’on a un pied dans la place…

A questionner les principes fondateurs de notre pratique archivistique

Comme l’a récemment esquissé Lourdes, l’archivage électronique remet largement en question un certain nombre de principes archivistiques que l’on croyait gravés dans le marbre : la théorie des trois âges des archives, la notion de producteur, le lien intrinsèque entre support et contenu, et sans doute d’autres encore auxquels je ne pense même pas.
Et c’est bien comme cela qu’une profession et une pratique peuvent avancer, en se remettant en cause, en ne considérant aucun principe comme acquis, quitte à réaffirmer leur validité après les avoir confrontés à une réalité complexe et évolutive.

Tableau noir

Fin de l'exercice. J'ai bon ? FlickR, André Bianco, 2010, CC BY-NS-SA.

Mises à jour. Ça marche, les archivistes causent !

  • 08/09/2010 – Une longue réponse de Céline Guyon dans les commentaires de Archives Online.

Une réponse "

  1. Si en plus tu fais des réponses bien construites… et tout… et tout !!!!
    Je suis en train de me dire que ma participation au défi pourrait peut-être tenir dans 1 tweet 🙂

  2. Chère archives_masala:
    Je suis bien contente que tu relèves le défi 🙂
    Et je note bien que la première archivoblogueuse à relever le défi n’est même pas une spécialiste de l’archivage électronique: bravo!
    Tu n’as pas défini l’archivage électronique mais tu as traité un sujet connexe qui est très intéressant: à quoi sert l’archivage électronique? Les trois points que tu as évoqués (faire causer les archivistes, redorer le blason de l’archiviste, questionner les principes fondateurs de notre pratique archivistique) rejoignent complètement l’un de mes plus grands centres d’intérêt: la définition de l’archiviste et l’évolution du métier. L’archivage électronique est en effet un facteur de changement et j’aime croire, dans le contexte français, qu’il apporte des choses très positives au métier sur le plan conceptuel et au niveau de la pratique. L’archivage électronique s’est présenté dans beaucoup de collectivités comme une « opportunité à ne pas manquer » pour (re)affirmer les compétences de l’archiviste. Mais je pense aussi que nous avons encore un long chemin à parcourir, non seulement dans notre dialogue avec les autres professions mais surtout au sein de la communauté archivistique.
    On attend les billets de ceux qui ont promis une réponse … mmm on ne vise personne …
    LFH

  3. Bravo pour relever ce défi et relancer un débat essentiel à l’évolution de notre métier.
    Pour rebondir sur un aspect connexe abordé dans ton billet quant à l’aura de l’archiviste lorsqu’il parle d’électronique, elle ne fait guère étinceler que les yeux des adeptes d’ISAD-G et autres pourfendeurs de poissons d’argent.
    Dans les la majorité collectivités, l’archiviste se trouve le plus souvent victime de son image lorsqu’il parle d’informatique. Pourquoi le « rat de bibliothèque penché sur ses grimoires » sort de son grenier et nous demande d’imprimer alors qu’on a tout sur ordinateur ? Lui et son papier … il n’y connait rien, on a un informaticien pour ça. Difficile donc d’utiliser l’archivage électronique pour « mettre un pied dans la place » et pour pouvoir s’attaquer à l’archivage papier par la suite.
    Ma recette est la suivante : commencer par coller au personnage en traitant les vieux papiers, les « archives » au sens des services producteurs. Profiter du temps et d’un bon relationnel pour convaincre de l’utilité du records management et le mettre en place. Aborder la question de l’informatique régulièrement dès le départ, puis de plus en plus fréquemment, pour prouver qu’on est compétent sur le sujet et qu’il serait utile à la collectivité de s’y pencher. Tout cela pour espérer gagner cette légitimité que ne la casquette « archiviste » non seulement ne nous confère pas, mais bien souvent nous enlève.
    Cela suppose bien entendu des interlocuteurs à l’écoute et ouverts, et des archivistes qui adaptent une théorie balbutiante aux besoins et aux contraintes de chaque collectivité. On ne met pas en place une plate forme d’archivage électronique dans une commune de 5000 habitants … ni au sein de tous les Conseils Généraux d’ailleurs.
    Faire évoluer l’image « grand public » de l’archiviste sur les questions d’archivage électronique est, à mon sens, un enjeu essentiel de l’avenir de notre métier et, de façon plus pragmatique, une condition sine qua non à la conservation de quelques archives électroniques … Mais il me semble que nous allons dans la bonne direction et nous sommes tous là pour que ça continue !

  4. La question est : peut-on être archiviste, féru d’informatique et de nouvelles technologies, et préférer laaaaargement les archives papier aux archives électroniques (j’ai commencé à lire MoReq2 un jour d’ennui, mais j’ai rapidement trouvé à m’occuper) ? C’est tenable comme situation non ?

  5. Pingback: Une définition collaborative de l’archivage électronique – 1ère partie « Archives Online

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