« Faire des sites Web avec de grosses bases de données, ce n’est pas le même métier que de gérer des archives. Les institutions sont en général plus douées pour la conservation et l’analyse scientifique que pour la diffusion, la présentation simple et pédagogique, l’ergonomie, la communication… »
(Bruno Ory-Lavollée dans le dernier numéro de la Revue française de généalogie)
Ah bon ?
Certains ont été bien plus rapides que moi à réagir à ce que l’on a pu voir comme une atteinte à nos principes professionnels (les fameux « 4C » des archivistes).
Sans même aller jusqu’à se poser la question des missions fondamentales de l’archiviste, il me semble que Monsieur Ory-Lavollée aurait pu, par simple honnêteté intellectuelle ou même juste par curiosité, aller regarder quelques sites Internet de services d’archives avant de s’exprimer de façon aussi péremptoire.
Ce qu’il y aurait trouvé aurait largement suffi à lui prouver la compétence des archivistes dans le domaine de la diffusion numérique.
Rien que les chiffres donnent le tournis…
- 1,4 milliard de pages vues et 24 millions de visites en 2009 sur les sites Internet de ces services d’archives (ça ferait rêver plus d’une société privée, non ?).
… et ce n’est rien à côté des réalisations…
- développement d’interfaces de consultation user-friendly
Les sites Internet des Archives départementales de l’Aisne, de l’Hérault ou encore des Ardennes (sélection purement subjective et bien trop limitée, j’en conviens) présentent un graphisme élégant et attractif, et une ergonomie de navigation aisée. Il sont juste super beaux, voilà tout.

Consulter les registres en ligne du Bas-Rhin, un vrai plaisir ! (Archives départementales du Bas-Rhin)
Les Archives départementales du Bas-Rhin proposent une interface d’accès aux archives en ligne complètement inédite, d’une simplicité et d’un plaisir de consultation remarquables.
Quant à l’adaptation des interfaces de recherche dans les fonds d’archives aux usages du public, le projet des Archives départementales de l’Aube, retenu dans l’appel à projets culturels numériques innovants du ministère de la Culture, est à ce titre exemplaire.
De très nombreux départements en proposent, j’aime bien celles des Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle, nombreuses et variées, s’il faut choisir un exemple.
10 services d’Archives départementales proposent des modules d’indexation, qui sont très généralement plébiscités par le public. Le dernier en date et mon préféré pour la simplicité d’interrogation et de consultation des données indexées : les Archives départementales du Cantal.
A ce jour à ma connaissance, seules les Archives municipales de Toulouse sont concernées, mais il y a d’autres projets en cours de réalisation.
Voir absolument le cours de paléographie multimédia des Archives départementales d’Indre-et-Loire.

Échapperez-vous aux terribles Archiphages ? (Archives départementales de l'Aube)
De Copains de Banlieue (Archives municipales de Saint-Denis) au Mystère de la Cordelière (Archives départementales de l’Aube), les Archives ont largement fait leurs preuves dans le domaine du jeu en ligne.
- présence sur le Web social
3 services d’Archives départementales ont une page Facebook.
5 Archives départementales, 2 Archives municipales et les Archives de France proposent des flux rss pour leurs actualités.
Sans parler de l’intéressant Blog du paléographe des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, ni de la convention de la Ville de Toulouse avec Wikimédia qui concerne en particulier les Archives municipales (et dont il a déjà été question ici).
- participation à des portails collaboratifs destinés à diffuser gratuitement et au plus grand nombre les données culturelles
Qu’il s’agisse de portails régionaux (BnSA, GéoCulture en Limousin, etc.), nationaux (Collections), européens (Européana, APEnet).
Les Archives sont particulièrement dynamiques dans le développement de l’interopérabilité documentaire, grâce à la généralisation d’un format numérique normalisé de description archivistique, XML-EAD, et à l’usage de plus en plus courant du protocole d’échange de métadonnées OAI-PMH.
- expérimentations en Web sémantique
Les Archives de France ont ainsi publié en XML-SKOS le Thésaurus pour la description et l’indexation des archives locales anciennes, modernes et contemporaines.
Alors, n’en déplaise à Monsieur Ory-Lavollée, les services d’archives et les archivistes sont bel et bien doués pour la diffusion numérique de leurs fonds, il suffit de juger sur pièces.
Ce qui n’exclut évidemment pas que des réalisations intéressantes puissent être faites par le secteur privé, d’ailleurs la très grande majorité des projets cités dans ce billet ont fait l’objet de prestations de sociétés privées, qui ont apporté leurs compétences techniques, graphiques, ergonomiques, etc. Mais les archivistes en étaient les prescripteurs, apportant leur connaissance des fonds d’archives et de leurs publics, ainsi qu’une compétence technique de plus en plus développée.
Il était inutile d’accuser les archivistes d’avoir la rage pour mieux les tuer. Les faits parlent d’eux-même, les archivistes prouvent ce dont ils sont capables.

Nous sommes innocents, Monsieur Ory-Lavollée ! (CC-BY Death-rebirth-freedom, 2010, source : Flickr)
[Mise à jour 26/10/2010] L’Association des archivistes français a publié le 13 octobre 2010 un droit de réponse particulièrement argumenté à M. Ory-Lavollée.