Sans préjugés

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Passer du monde des archives à celui des bibliothèques, c’est naviguer d’un préjugé à l’autre. D’un cliché à l’autre.

Librarian

Ah oui, quand même... (Photograph of Mrs. Adelaide Minogue Checking Humidity Recorder in Stacks, 1942 - US National Archives, source : Flickr Commons)

Non je n’ai pas passé 7 ans dans une cave vêtue d’une une blouse grise.

Non je ne prends pas mon pied à rester des nuits entières penchée sur un grimoire poussiéreux (quoi que, s’il s’agit d’un antique livre de recettes…?).

Et non, je ne me suis pas laissé pousser lunettes et chignon depuis que j’ai rejoint les bibliothèques.

Les préjugés sur tous les métiers, et les nôtres en particulier, ne sont pas prêts de disparaître. J’ai beau, avec mes cheveux courts, mes yeux de lynx, mes fringues/bijoux flashy voire créateurs* et mes délires de geekette, lutter de toutes mes forces pour faire évoluer l’image de la « bibliothécaire à chignon », c’est sans doute peine perdue.

Ces clichés ne reposent en effet pas seulement sur une incompréhension ou une ignorance de nos métiers, mais ils existent et persistent peut-être bien aussi et surtout parce qu’ils représentent la seule image (on en vient ici à un autre sens du mot « cliché » ), la seule illustration visuelle de métiers dont le quotidien aujourd’hui tend à ressembler à celui de tant d’autres métiers. Je laisse la parole au sociologue (et archivistophile) Denis Colombi, qui nous livre sur son blog Une heure de peine une analyse qui m’a, je l’avoue, pleinement convaincue :

Car pourquoi cette représentation de l’archiviste comme quelqu’un qui travaille dans la poussière et les vieux papiers est-elle si puissante ?

Pas seulement à cause des nombreuses représentations qui peuvent avoir cours dans les médias et ailleurs, mais aussi et surtout parce qu’elle est aisément descriptible et compréhensible. Vus de l’extérieur, les archivistes ressemblent de plus en plus aux autres professions : ils participent à des réunions, sont installés devant des ordinateurs où ils manipulent des logiciels austères, ils « gèrent de l’information », discutent de « compétences », organisent des « systèmes »…

Rien qui ne soit très clair pour le profane : le contenu de leur travail est devenu difficile à dire simplement et à expliquer, il est devenu difficile d’en rendre compte. Tandis que celui qui manipule de grands parchemins ou des textes en latin, vu de l’extérieur, fait quelque chose de plus précis, de plus clair, de plus facile à classer : on voit bien ce qui le différencie des autres travailleurs.

C’est sans doute pour cela que l’image de l’archiviste restera encore pour longtemps celle-là, comme l’enseignant restera celui qui professe devant un auditoire silencieux, le commercial celui qui essaye de refourguer un produit, le policier celui qui court après le voleur… quelque soit le contenu réel de leurs activités. Les clichés ont la peau dure!

Ce n’est pas une raison pour cesser la lutte, Camarades ! Et de fait de jeunes archivistes et bibliothécaires ont pris les armes pour tenter de faire évoluer l’image des professionnels de l’info-doc, et pour rendre compte de façon réaliste et objective de notre quotidien :

– découvrez, si ce n’est déjà fait, les aventures rocambolesques des 4 archivistes du blog « Chroniques archivistiques » , qui se sont donné la lourde tâche de prouver, envers et contre tous, qu’archiviste est le plus beau métier du monde. Et ce n’est pas une mince affaire !

– mais aussi le projet d’étude de 5 étudiantes en info-doc qui ont créé un site « Préjugés Info-Doc » , où l’on trouve, outre une information précise sur les différents métiers, une enquête et des interviews, des listes de références littéro-cinématographiques, et quelques perles audiovisuelles

– et l’innénarable Bibliopathe elle-même nous prouve, photos à l’appui, que NON LES BIBLIOTHECAIRES NE PORTENT PAS DE CHIGNON, nom de nom !

Bibliothecaire sans chignon

Si vous aviez encore un doute... (Source : Préjugés Info-doc. Reproduit avec l'aimable autorisation de la fine équipe du site, bien qu'elles aient omis toute mention de copyright)

* Petit aparté à l’attention des mes employeurs. Il est bon pour l’institution et pour le bien des bibliothèques et des bibliothécaires en général que je lutte contre les préjugés envers les bibliothécaires ? Donc il est bon que je porte des vêtements de créateurs. Ça pourrait entrer en frais de représentation, non ?

Une réponse "

  1. Je propose l’instauration de congés spéciaux « fashion week » pour les métiers du livre et de la culture. Il est temps de changer notre identité visuelle ! 🙂

  2. Ces initiatives pour combattre les clichés, c’est sympa, ça défoule, mais dans les faits, ça n’attendra jamais la cible. D’ailleurs, quelle est cette cible? Nos usagers ou nos décideurs?
    Là où on peut avancer en revanche, c’est dans la connaissance et la compréhension mutuelles des professions cousines. Ce n’est pas encore gagné, mais on progresse, et tu es en première ligne 🙂
    En ce qui concerne la photo, sans mention particulière, c’est le droit d’auteur normal qui s’applique. Calimaq nous le confirmera-t-il?

    • Je ne suis pas Calimaq, mais un simple étudiant qui sors justement d’un cours sur le droit d’auteur !
      Donc effectivement, le droit d’auteur s’applique automatiquement à toute oeuvre littéraire ou artistique, dès sa création, sans qu’il soit besoin de le préciser.
      De plus, chère Pauline, le copyright n’existe pas en France 😉

      • Certes le copyright n’existe pas en France, c’est juste plus court à écrire que « droits de propriété intellectuelle », ce n’étais pas de ma part une méconnaissance juridique mais une flemmardise assumée.
        Et en effet, les droits d’auteur s’appliquent, c’est pourquoi j’ai demandé aux auteurs du blog l’autorisation de reproduire la photo, qu’elles m’ont gentiment (et rapidement) accordée… mais sans me fournir le nom de l’auteur…

  3. Double cliché : avec mes tatouages et mes cheveux en bataille on m’imagine souvent rebelle avec potes a moto; malgre tout quand je dis que je suis archiviste, je ne suis plus dans le vent!
    Oui au concours archivistes et bibliothecaires fashion!
    Un petit site pour aider? http://www.lesarchivistes.net 🙂

  4. Et pour en venir aux préjugés, ils sont très nombreux. Dès que je dis que j’ai repris les études pour devenir archiviste, je suis quasi-systématiquement confronté à des haussements de sourcils et des remarques du genre « quoi, tu es ingénieur et tu vas faire archiviste ? Mais c’est un retour en arrière ! », ou encore « ha bon, il faut faire des études pour ça ? Mais chez nous, c’est les stagiaires qui rangent les papiers ».
    La seule exception notoire et qui m’a rempli de joie vient de mon médecin : « Archiviste ? Mais c’est passionnant ! Moi j’ai toujours voulu faire ça, mais mon père voulait que je fasse médecine. Je l’ai toujours regretté. » 😀

  5. Plutôt que de se battre contre les préjugés, pourquoi ne pas les utiliser ? Peut-être devrions-nous organiser la « journée annuelle du cliché » où chacun s’habille selon l’imagerie véhiculée par son activité ?
    Ainsi, tous nos interlocuteurs pourraient mesurer à quelle point nous sommes « ordinaires » les autres jours ! 🙂

  6. Pingback: Bibliothèques et innovation | Archives masala

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